Le Cantal, milieu de croissance d'une filière d'excellence : la microbiologie
En quelques décennies, le Cantal est devenu le centre d’une filière de biologie des micro-organismes qui investit, innove, embauche.
C'est une terre sauvage, isolée et souvent méconnue. Le Cantal, département du sud de l’Auvergne, sait pourtant s’illustrer par son sens de l’innovation et son goût d’entreprendre. Ce territoire parmi les plus ruraux de France compte en son sein, et en toute discrétion, quelques très belles pépites industrielles (groupe Matière, Autec…) et une filière d’excellence historique : la microbiologie. Né de la tradition laitière et fromagère, ce développement autour des micro-organismes et de la fermentation fait aujourd’hui la force économique du département.
2023, une année charnière pour la microbiologie
Avec plusieurs centaines d’emplois déjà recensés sur le bassin d’Aurillac, la filière connaît un véritable boom, porté notamment par la vague des compléments alimentaires. «Ce secteur fédère une palette large de savoir-faire : la probiotique pour la partie santé, les fabricants de matériel d’analyse, les producteurs de ferments et les laboratoires. Tout cela crée une saine émulation et, surtout, constitue un pôle solide à spectre large, unique en France», soutient Christophe Chassard, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) d’Aurillac.
Parmi les chefs de file historiques du secteur, le groupe Biose Industrie (42 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022). Créée en 1951 sous le nom de Laboratoires Lyocentre, l’entreprise familiale s’est muée progressivement en leader mondial dans le développement et la production de médicaments microbiotiques (LBP) en santé humaine. Passée en 2023 sous le contrôle du fonds luxembourgeois L-GAM et de l’État, via son fonds de soutien aux entreprises technologiques French Tech Souveraineté, elle a engagé un investissement record de 80 millions d’euros sur quatre ans pour soutenir la croissance exponentielle de son usine aurillacoise.
Passé de 70 emplois en 2017 à 350 en 2023, Biose continue de monter en puissance. «2023 a été une année charnière, souligne Adrien Nivoliez, son directeur général. Nous avons bouclé l’opération financière avec nos nouveaux actionnaires, fini d’installer notre laboratoire aux États-Unis et nous avons validé l’ouverture d’une nouvelle ligne de production LBP, plus trois lignes de substances actives. Et, bien sûr, nous allons poursuivre nos recrutements.»
Le PEM2I, futur pôle d'excellence
À deux pas, Agrolab’s, spécialisé dans la microbiologie laitière et alimentaire ; Greencell, devenu champion des flores d’affinage et d’aromatisation ; Lallemand, producteur incontournable de levures, de bactéries et d’ingrédients dérivés, utilisés dans la boulangerie, l’œnologie, la nutrition humaine et animale, la pharmacie et la production fromagère, sont autant de success stories cantaliennes.
«L’émergence et la réussite de cette filière ont contribué à nous faire grandir. Tout le monde se connaît, travaille ensemble pour l’emploi et la recherche», constate Emmanuel Jalenques, le dirigeant d’Interlab, petite entreprise familiale devenue un leader mondial du matériel destiné aux analyses microbiologiques. Avec un effectif en hausse de 20%, les 180 salariés du groupe attendent désormais avec impatience l’ouverture, fin 2025, de leur tout nouveau site de production à Puycapel. Un investissement de 8 millions d’euros qui devrait encore doper la croissance du groupe.
Pour donner plus de visibilité à cette filière ultra-performante, mais souvent ignorée, l’ensemble de ses acteurs a décidé de se doter d’ici à deux ans d’un Pôle d’excellence microbiologie industrie et innovation (PEM2i) porté par l’Inrae. Composé de représentants de l’enseignement supérieur, d’acteurs économiques et institutionnels, il fait l’unanimité dans le Cantal. Et demeure très attendu par les industriels.
L'attractivité d'un territoire rural
«Toutes les entreprises du bassin connaissent une forte croissance et des problèmes de recrutement, amplifiés par le fait que le département est en situation de plein-emploi. Cet outil va contribuer activement à former du personnel, de niveau bac à bac +8. Il permettra de développer l’innovation et la recherche et d’héberger des start-up grâce à des labos dédiés. On pourra même, à terme, accueillir un cluster européen autour des aliments fermentés. Je crois beaucoup à la stratégie de la chasse en meute ! Le but est d’offrir à la filière une visibilité nationale, voire mondiale», s’enthousiasme Christophe Chassard, qui chapeaute le projet.
«La création du pôle d’excellence est un signe fort pour notre territoire et son attractivité, abonde Bruno Faure, le président du Conseil départemental. Cette implantation démontre que notre département, bien que rural et enclavé, peut accueillir de nouvelles activités, fussent-elles de pointe, et créer des emplois et de la richesse qui inciteront de nouveaux actifs, de nouvelles familles à s’installer dans le Cantal.»
Le futur pôle fédère déjà une douzaine d’entreprises référentes dans le domaine de la microbiologie, quatre organismes de recherche et formation (l’Inrae, l’université Clermont Auvergne, le lycée agricole Georges-Pompidou, VetAgro Sup). Cinq partenaires institutionnels (État, Région, Département, communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac et CCI) le soutiennent financièrement. D’ores et déjà, un budget de 5 millions d’euros a été fléché pour l’achat de matériel et la construction du bâtiment, qui devrait ouvrir ses portes en mars 2026 à Aurillac. L’ensemble des acteurs de la filière attend cette échéance avec gourmandise. #
Un master 2 dès la prochaine rentrée
Du technicien de laboratoire au doctorant, toute la filière microbiologie cherche des bras. À Aurillac, face à l’urgence, pas question d’attendre l’ouverture en 2026 du Pôle d’excellence microbiologie industrie et innovation (PEM2i), destiné notamment à former la main-d’œuvre nécessaire aux entreprises locales. À la rentrée 2024, l’université Clermont Auvergne (UCA) ouvrira sur le campus d’Aurillac un master 2 en microbiologie appliquée et fermentation. « Ces dernières années, nous avons lancé des offres qui collent aux spécificités de la région ainsi qu’aux besoins et à l’identité de certains territoires, se réjouit Matthias Bernard, le président de l’UCA. Les industries fromagère, pharmaceutique et probiotique offrent beaucoup de débouchés professionnels. C’est à Aurillac et nulle part ailleurs. » Suivra, en 2025, l’ouverture d’un BTS analyses agricoles biologiques et biotechnologiques au lycée agricole Georges-Pompidou de la ville. Ces formations supérieures viennent s’ajouter à celles d’agent et technicien de laboratoire proposées depuis deux ans sur le campus de la chambre de commerce et d’industrie du Cantal. #
Vous lisez un article de L'Usine Nouvelle 3729 - Avril 2024
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