Les Etats-Unis se disent prêts à se convertir aux plastiques biosourcés
Fin mars, le président américain Joe Biden a annoncé un plan de R&D visant à développer les biotechnologies et la bioproduction avec l’objectif de réduire les émissions de carbone du pays. Peu relayé dans les médias, ce plan audacieux vise notamment à convertir 90% des plastiques pétrosourcés en biosourcés.
Le déclin de l’industrie pétrochimique américaine –et celle des plastiques par la même occasion- a débuté. L’administration Biden a annoncé, fin mars, dans un rapport intitulé "Biotechnology and biomanufacturing R&D to further climate change solutions", son intention de développer la bioéconomie.
Articulé autour de quatre thèmes, et une dizaine d’objectifs, le document de soixante pages énumère les moyens pour se passer des ressources fossiles. Au nom du climat, le président Biden engage son pays à convertir au moins 90% de sa production de plastiques pétrosourcés en produits biosourcés. Actuellement, le premier pays producteur de pétrole au monde, fabrique environ 56 millions de tonnes de polymères (sur un total dans le monde de 400 millions de tonnes estimé par Plastics Europe, l’association européenne qui regroupe les fabricants de matières).
1 à 2 % de plastiques biosourcés dans le monde
Si le tournant est considérable, le point de bascule n’est en revanche pas clairement daté. Le document fait état d’un horizon à 20 ans pour «démontrer et déployer des méthodes, rentables et durables, pour convertir les matières premières d'origine biologique en polymères recyclables dès leur conception.» Pour Jean-Yves Daclin, directeur général de Plastics Europe pour la France, le document édité par la Maison Blanche «est un plan de R&D avant d’être un plan industriel». Ayant fait l’objet d’interprétations par certains journalistes de la presse Outre-Atlantique qui laissent croire à la fin du plastique pétrosourcé dans les 20 ans, Jean-Yves Daclin livre sa propre lecture. «Ce que je comprends, c’est que les Etats-Unis veulent démontrer industriellement qu’ils sont capables, d’ici 20 ans, de trouver une alternative biosourcée à 90% de leurs plastiques, ce qui est déjà très ambitieux». Le porte-parole estime toutefois irréaliste la conversion de l’industrie des plastiques pétrosourcés aux biosourcés à cette échéance. Le pays part de loin. Dans le monde, seulement 1 à 2 % des 400 millions de tonnes de plastiques sont pour l’instant issus de la transformation de ressources naturelles (graisse, sucre ou protéine), selon Plastics Europe. L'essentiel de la production se répartit entre les Etats-Unis, la Chine, la Thaïlande et le Brésil.
Un projet industriel pour 2070
Pour l’organisation, qui rappelle l’objectif de 20% de polymères biosourcés en Europe en 2050, l’objectif américain ne pourra se concrétiser qu’à la fin du siècle. «Changer l’outil industriel qui produit aujourd’hui plus de 50 millions de tonnes de plastiques très majoritairement à base de ressources fossiles, représente des investissements colossaux qui se chiffrent, sans doute, à quelques centaines de milliards de dollars. Si les Etats-Unis atteignent leur objectif en 2040, il faudra encore quelques décennies pour faire basculer la production de vierge résiduelle à 90% de biosourcé», estime Jean-Yves Daclin. Et ce dernier de pointer un autre frein : les ressources.
Outre la question de la viabilité économique du plan, la question de la durabilité est l’autre sujet prioritaire. «Convertir les millions de tonnes de plastiques pétrosourcés qui ne seront pas issues de recyclé, en biosourcés, à partir de ressources naturelles, nécessite de régler le problème de concurrence avec la production alimentaire, qu’elle soit humaine ou animale», estime le porte-parole pour qui l’un des enjeux se situe dans la production de biocarburants. Actuellement, seule la première génération exploitant les plantes est industrialisée. La partie non-alimentaire (bois, boues de station d’épuration...) est toujours en développement. Et la troisième génération, qui repose elle sur l’exploitation de micro-organismes photosynthétiques (cyanobactéries, micro-algues…), est encore bien loin. Mais les Etats-Unis sont bien décidés à appuyer sur l'accélérateur.