[Sortie d'usine] MPO, le vinyle dans la peau
Spécialiste du divertissement depuis soixante ans, l’industriel mayennais MPO n’a jamais lâché le disque vinyle. Visite guidée à l'occasion de la Fête de la musique.
Trente secondes, c’est court pour un morceau de Prince. Mais c’est le standard pour le pressage de son dernier album au format vinyle. Des titres inédits, à paraître fin juin sur un disque posthume reprenant "l’exacte couleur violette de sa guitare", précise Matthias Landreau, responsable de la production disques à l’usine MPO. Implantée à Villaines-la-Juhel, au cœur de la Mayenne, c’est la seule usine de pressage de disques vinyles en France, et l’une des dernières en Europe.
En amont de chaque ligne, granulés de PVC et colorants passent dans l’extrudeuse et forment des galets. Ceux-ci sont pressés à partir des moules de la gravure studio originale, obtenus par galvanoplastie, puis sont insérés mécaniquement dans leur sous-pochette et s’empilent en bout de ligne.
L’usine presse 60 000 disques chaque jour, 15 millions par an. C’est deux fois moins qu’au début des années 1990, mais cinq fois plus qu’en 2010, quand le disque vinyle semblait enterré. MPO a toujours refusé d’en stopper la production. "C’est le produit qui avait créé la société en 1957", rappelle Alban Pingeot, le président. "Dans les années 2000, c’était devenu une toute petite activité, avec seulement une trentaine des 2 000 employés du groupe. On l’a gardée par passion, pas par raison économique."
28 presses en 3 x 8
Soutenu par les DJ, le vinyle n’a jamais rendu l’âme. Mieux : il a fait un come-back fracassant. Le segment a quintuplé en cinq ans, pour atteindre 4 millions d’exemplaires vendus l’an passé, et compte pour un cinquième des supports musicaux physiques. Instauré aux États-Unis en 2008, le Record store day a changé la donne avec des sorties d’éditions limitées en vinyle pour soutenir les disquaires indépendants. "C’était le moment ou jamais", se remémore Alban Pingeot.
Dans la petite usine voisine d’Averton, MPO ne disposait plus que de 10 presses sur les 80 de la grande époque. Face au regain inattendu de la demande, le groupe en remet 6 en état et transfère le tout à Villaines-la-Juhel, dans sa grande usine ouverte en 2005 pour les CD, les DVD et les DVD-Rom. Le tempo est idéal car ces supports numériques souffrent face à la dématérialisation. La période est d’ailleurs difficile pour l’entreprise. Avec le retour du vinyle, MPO rénove ses presses, modernise les procédés, forme des employés. Les capacités s’avèrent très vite insuffisantes. Le groupe récupère 4 presses au Royaume-Uni, 16 au Venezuela. Ces dernières sont bloquées par la douane vénézuélienne, qui soupçonne des malversations, ne concevant pas qu’un industriel français veuille les acheter. À l’arrivée, au Havre, elles sont aussi retenues car elles ne sont plus aux normes. Mais MPO ne lâche pas.
Aujourd’hui, 28 presses tournent en 3 x 8, avec des équipes de dix opérateurs. Deux contrôleurs qualité prélèvent des échantillons et soumettent les disques à l’intransigeance de leur vue et de leur audition. La moindre griffure, le moindre craquement, et la série part au rebut. Les séries impeccables passent l’étape finale du conditionnement.
Des équipes insèrent à la main les sous-pochettes contenant les disques dans les pochettes cartonnées, que les machines emballent sous plastique.
En 2018, MPO dénombrait 630 salariés dans le monde, dont 500 en France. Ses ventes ont atteint environ 85 millions d’euros, dont près d’un tiers pour l’activité vinyle, qui dépend à 80 % de l’export. Le retour du vinyle a permis au groupe de rebondir, mais ne sera pas un relais de croissance éternel. "Il restera une niche, affirme Alban Pingeot. C’est un produit génial, de fan, d’amoureux de la musique, mais ce ne sera jamais de la consommation de masse."
Découvrez l'usine de MPO grâce à ce reportage du Parisien