Vingt ans après le naufrage de l'Erika, où en est la surveillance maritime européenne et française ?

Le naufrage de l'Erika, c'était il y a vingt ans jour pour jour. Depuis, de nombreuses mesures ont été adoptées, en France comme en Europe, pour prévenir ce type de catastrophe écologique.

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Vingt ans après le naufrage de l'Erika, où en est la surveillance maritime européenne et française ?
L'Érika s'est enfoncé dans l'océan il y a déjà 20 ans.

Il y a 20 déjà ans déjà, le 12 décembre 1999, le pétrolier Erika s'enfonce dans les eaux internationales, à une trentaine de milles au sud de la pointe de Penmarc'h (Finistère). Durant le naufrage, plus de 20 000 tonnes de mazout se répandent dans l'océan, provoquant une énorme marée noire sur les côtes françaises. Sur des centaines de kilomètres, les plages sont souillées et des dizaines de milliers d'oiseaux disparaissent. Au total, quelques 250 000 tonnes de déchets auront été générées, qu'il s'agisse de sable mazouté, de débris, ou encore d'eau contaminée.

Quels enseignements ont été tirés de cette catastrophe, ainsi que du naufrage du Prestige au large des côtes de Galice en 2002 (qui a déversé plus de 60 000 tonnes de mazout) ? En France comme au niveau européen, la surveillance et la sécurité des navires transitant dans les ports ont été largement renforcées, tout comme les moyens de lutte et de prévention contre la pollution en mer.

Ainsi, selon un document présenté par le ministère de la transition écologique le 10 décembre, le nombre de naufrages dans le monde s'est établi à 46 en 2018, soit 65% de moins qu'au début de la décennie. En 2000, on en dénombrait 207. Il y a désormais, en moyenne, deux marées noires par an, contre 25 il y a quarante ans. Plus globalement, sur les 5,7 millions de tonnes d'hydrocarbures déversées depuis 1970 dans le monde, 56% l'ont été de 1970 à 1979, 20% de 1980 à 1989, 20% de 1990 à 1999, 3% de 2000 à 2009 et 1% de 2010 à 2006.

Trois mesures adoptées au niveau européen

Concrètement, qu'est-ce qui a changé ? Pour prévenir les naufrages, l'Europe a mis en œuvre dans les années 2000 une nouvelle politique de sécurité maritime, en adoptant trois "paquets Érika". Le premier, adopté en 2000, comprend le renforcement du contrôle des navires par l'État du port, et non plus simplement par l'État du pavillon. Lors des inspections, les informations recueillies sont centralisées dans une banque de données européenne créée pour l'occasion, baptisée EQUASIS. La double coque pour les pétroliers et navires transportant des matières dangereuses devient également obligatoire.

Adopté en 2002, "Erika 2" oblige les navires transitant dans l'Union Européenne à être équipés de système d'identification automatique (AIS) qui envoie par ondes radios des informations aux autorités, comme leur identité, leur statut, leur position ou encore leur route. Ils doivent également posséder ou une plusieurs boites, afin de faciliter les enquêtes en cas d'accidents. Enfin, l'Agence européenne pour la sécurité maritime est créée, afin de renforcer la coopération entre les États membres.

Le dernier paquet, "Erika 3", est adopté en 2005. Il comprend un nouveau renforcement des contrôles, notamment auprès des navires qualifiés de vétustes par la banque de données. Les bâtiments jugés non conformes (mauvaise gestion, mauvais entretien, mauvaise formation de l'équipage) sont bannis des ports européens. Les pavillons européens doivent désormais être certifiés ISO 9001. Enfin, un fonds d'indemnisation européen est créé, afin de dédommager les victimes des marées noires dans les eaux européennes.

Une amélioration des contrôles en mer

Avec l'adoption de ces mesures, les effectifs d'inspecteurs de centres de sécurité des navires, en France, ont été doublés. Ils étaient entre 70 et 80 avant Érika. Après la catastrophe, ils sont passé à environ 160. Désormais, ce sont 11 000 navires français et 1 000 étrangers qui sont contrôlés et inspectés chaque année sur l'ensemble du territoire.

Concernant la surveillance en mer, la France est dotée de cinq centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS). Composé de 340 agents, ils assurent la couverture de la façade littorale de l'Hexagone. Deux CROSS supplémentaires s'occupent des outre-mer (Réunion et Antilles), ainsi que deux autres centres spécialisés pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Les CROSS disposent de radars et de systèmes AIS pour assurer leur surveillance. Ils peuvent également demander, si besoin, de l'aide aux services policiers et militaires français. Grâce aux programmes CleanSeaNet et Copernicus, les services ont également à leur disposition des systèmes de surveillance par satellite. En 2018, les CROSS auront contrôlés 170 000 navires, dont 650 se trouvaient en situation d'avarie, et un milliard de tonnes de marchandises, dont un tiers était des produits dangereux.

L'aspect écologique mieux pris en compte

Et maintenant ? Si le nombre de gros navires en mer n'augmente pas (on en compte environ 50 000 depuis quarante ans), leur taille, elle, s’accroît. Le tonnage de la flotte mondiale a doublé en dix ans, entraînant un accroissement du trafic. En adéquation avec les aspirations écologiques, des objectifs de réduction de l'impact environnemental des activités maritimes (gaz à effet de serre, eaux de ballast, rejets en mer...) ont été établis. Par exemple, à partir de 2020, la norme mondiale de soufre présente dans les carburants marins passera de 3,5% à 0,5%.

Le naufrage de l'Erika aura également eu des conséquences juridiques. En France, les amendes pénales en matière de pollution marine, auparavant plafonnées à 1 million d'euros, peuvent désormais atteindre les 15 millions. La notion de préjudice écologique a également fait son apparition, avant d'être introduite dans la loi en 2016. Au niveau européen, une direction a pu être adoptée, afin d'harmoniser a minima les sanctions pour pollution maritime au sein de l'Union européenne.

Des risques encore bien présents

Tout n'est cependant pas rose, loin de là. Si l'Europe a interdit dans ses eaux les navires trop vétustes, l'association Robin des Bois constate, dans son bulletin de 2019 "A la Casse" que des simples coques continuent de partir à la démolition, et étaient donc toujours exploités. D'autres ont été envoyés ailleurs, notamment pour les trafics inter africains ou inter asiatiques. "Les risques ne sont pas supprimés, ils sont déportés", commente l'association.

Sont également pointées du doigt des épaves encore susceptibles de relarguer tout ou partie de leur cargaison, comme le Gino et ses 40 000 tonnes de produits, la partie avant du Tanio et ses 26 000 tonnes, ou encore le Gateway et ses 1 000 tonnes de bitume. Bien que cela ne soit pas (encore?) arrivé, l'arrivée sur les océans de méga porte-conteneurs (10 000 tonnes et plus de fioul de propulsion) accroît le risque de marées noires massives en cas de naufrage. Le manque de remorqueurs de haute-mer capables de secourir de tels mastodontes n'arrange rien.

Enfin, le principe de lieux de refuges établi dans le "paquet Erika 3" n'est en pratique pas tout le temps appliqué. Sous la pression d'élus et administrations portuaires, il peut arriver que des préfets maritimes ordonne l'éloignement de navires victimes d'un incendie ou d'une voie d'eau, ce qui peut avoir des conséquence grave sur l'environnement mais également pour l'équipage. À titre d'exemple, la baie de Seine et la baie de Saint-Brieuc, qui constituent des zones refuges en cas d'avis de tempête, pourraient être "encombrées" par des champs d'éoliennes offshore d'ici quelques années, empêchant les navires sinistrés d'y accéder.

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