[Édito] Passe difficile pour la chimie en France
La production en volume de la chimie en France s’est repliée de -3,3 % en 2022, marquant un coup d’arrêt après le rebond postCovid de 2021. Les perspectives pour 2023 sont incertaines, alors que l'année a mal commencé.
Fin avril, Luc Benoit-Cattin présentait à la presse, pour la dernière fois, les résultats annuels de la chimie en France. Après quatre années de mandat, le cadre-dirigeant d’Arkema laisse son fauteuil de président de France Chimie à l’entrepreneur Frédéric Gauchet, président-fondateur de l’ETI Minafin. Et pour ce dernier exercice, Luc Benoit-Cattin n’a pas annoncé que des bonnes nouvelles. Dans un contexte inflationniste et de crise énergétique, la production en volume de la chimie en France s’est repliée de -3,3 % en 2022, marquant un coup d’arrêt après le rebond postCovid de 2021, alors que l’on annonçait + 1 à + 2 % de croissance, l’an passé. Certes, la chimie en France a limité les dégâts par rapport à une chimie européenne qui recule de - 6,2 % (et une chimie allemande de - 11,9 %). Mais certains de ses segments restent sur le carreau. En particulier, la chimie de base, organique et minérale. Souffrant de son exposition aux prix de l’énergie qui ont explosé, cette partie amont a reculé d’environ - 10 % en volume. Les spécialités sont presque stabilisées à -1,9 %, quand les savons et parfums continuent de bénéficier de l’embellie postCovid, affichant + 6,4 % de croissance.
Une perte de compétitivité de la plateforme européenne
Ce qui inquiète, ce sont moins ces résultats bruts que l’écart de compétitivité qui se creuse entre l’Europe - dont la France - et d’autres zones géographiques, notamment les États-Unis qui ont payé leur électricité et leur gaz, respectivement trois fois et cinq fois moins cher que l'Europe, en 2022. D’ailleurs, si la chimie reste le premier exportateur en France, en 2022, devant l’agroalimentaire, avec 81,5 milliards d’euros de revenus, sa balance commerciale a plongé de 13 Mrds € en 2021, à 9,5 Mrds € en 2022. La chimie de base enregistre même un solde négatif de - 5,2 Mrds €, en raison d’arrêts de production de gazo-intensifs, comme les producteurs d’engrais, ou d’électro-intensifs, comme les producteurs de PVC. Le seul point positif pour 2022 concerne la hausse de 7 % des investissements (hors effet prix lié à l’inflation). Portés par France Relance, puis France 2030, ils ont atteint le niveau historique de 6,6 Mrds €. Les investissements de croissance, permettant de préparer l’avenir, ont même atteint les 40 %, grignotant sur les investissements de maintenance et de protection de l’environnement.
Un moral des patrons en berne
Pourtant, le moral des patrons est en chute libre. Dans son baromètre de début d’année, France Chimie a relevé un niveau de confiance dans les perspectives de croissance de seulement 29 %, contre 85 %, au lendemain de la crise du Covid. Une morosité qui pourrait se traduire, à court terme, par des gels de recrutement ou des réductions d’investissements. Ce qui fait dire à Luc Benoit-Cattin que « 2023 sera une année difficile pour la chimie », avec « une dynamique de croissance qui pourrait s’essouffler », si aucune mesure forte n’est prise. Il cite, comme priorités, la réforme du marché européen de l’électricité, l’élargissement du champ des aides aux entreprises pour contrer l’IRA américaine, la simplification réglementaire ou la sanctuarisation du Crédit impôt recherche.
Dans tous les cas, son association anticipe un nouveau repli pour 2023. L’année pourrait cependant se terminer mieux qu’elle n’a commencé. Alors que l’on est à -7 % sur janvier-février, un rebond est attendu dans les mois à venir, lorsque les mouvements de déstockage seront achevés. Mais c’est une première, devant un tel manque de visibilité, France Chimie ne se hasarde à aucune prévision chiffrée, cette année.