Finances publiques, la fête est vraiment finie
L'éditorial d'Emmanuel Duteil, directeur de la rédaction de L'Usine Nouvelle.
«Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel», paraît-il. Sauf peut-être quand il s’agit de parler, en France, de déficit ou de dette publique. Balayons d’entrée le fait que ce ne serait pas grave. Éliminons l’idée que ces dettes pourraient être effacées comme par miracle. Disons-le sans détour : il est plus que temps de tirer la sonnette d’alarme. Aujourd’hui, on dépense presque autant d’argent pour rembourser chaque année les intérêts de la dette que pour financer l’Éducation nationale. Depuis 1974, aucun ministre de l’Économie n’a présenté un budget excédentaire. Malgré les promesses d’Emmanuel Macron, le Covid, la guerre en Ukraine et leur lot de «Quoi qu’il en coûte» ont eu raison de nos espoirs de finances plus vertueuses.
Comme le dit Bruno Le Maire : «Quand il s’agit de dépenser, on sait être rapide et ingénieux. En revanche, il n’y a plus personne quand il faut revenir en arrière.» Le ministre de l’Économie a raison. D’ailleurs, cela fait plusieurs semaines qu’il sonne le tocsin. Et qu’avec son collègue chargé des Comptes publics, ils testent presque chaque jour une idée pour réaliser des économies. Le gouvernement a du mal à trouver «la voie française» de la réduction de nos dépenses. Il faut dire que les habitudes sont bien ancrées : une crise, un chèque. Le mouvement des agriculteurs, sûrement légitime, en a encore été un bon exemple récemment.
Et pourtant, l’urgence est là. Alors que les caisses sont vides, nous avons face à nous le plan d’investissement le plus coûteux depuis la Seconde Guerre mondiale. L’hôpital est malade. La justice et les commissariats manquent de moyens. L’Éducation nationale... n’en parlons même pas ! S’ajoutent à cela le financement de la transition énergétique et celui de la dépendance. Bref, on a besoin de moyens pour demain. C’est l’impérieuse raison qui devrait nous pousser à agir vite. Alors, que faire pour dégager des marges de manœuvre ? La solution de facilité serait de couper drastiquement dans l’État-providence. Les pistes ne manquent pas. Celle d’une nouvelle réforme de l’assurance chômage est sur les rails. Pourquoi pas. Augmenter les impôts ? Notre taux de prélèvement est parmi les plus élevés du monde pour les entreprises et les particuliers. Cela risquerait de ruiner ce qui reste de croissance prévue pour cette année.
Ces marges de manœuvre sont donc étroites, mais elles existent. Testons par exemple chaque politique publique et mesurons son impact. S’il est quasi nul, on la supprime. L’idée d’une taxation des superprofits commence aussi à faire son chemin, tout comme celle des coupes du côté des collectivités locales. On pourrait également conditionner plus qu’aujourd’hui les aides aux entreprises. Au risque de faire râler. Mais en traçant et en finançant nos ambitions pour demain, c’est une part de notre souveraineté que l’on retrouvera.
Vous lisez un article de L'Usine Nouvelle 3729 - Avril 2024
Lire le sommaire