[Édito] Ineos le nouveau maître de Lavéra
Le groupe britannique Ineos a finalisé la reprise des actifs qu'il détenait en coentreprise avec TotalEnergies, sur la plateforme de Lavéra, dans les Bouches-du-Rhône. Dans la foulée, il a aussi récupéré une partie des réseaux de pipelines d'éthylène du groupe français. Ineos a désormais les mains libres pour piloter la plateforme en solo, et dérouler son programme de décarbonation.
Ineos est désormais le seul pilote à bord de la vaste plateforme de 450 hectares de Lavéra, dans les Bouches-du-Rhône. Le 1er avril 2024, le pétrochimiste britannique a officialisé le rachat de tous les actifs de TotalEnergies contenus dans quatre coentreprises qu’ils détenaient ensemble à 50/50. On retrouve Naphtachimie avec son vapocraqueur alimenté en naphta et butane, produisant 720 000 tonnes d’éthylène par an, le plus important d’Europe du Sud. Gexaro, une société spécialisée dans les aromatiques, dont la production annuelle atteint 270 000 tonnes. Le producteur de polypropylène Appryl (300 000 t/an), ainsi que la coentreprise 3TC qui opère dans le stockage du naphta.
D’autres actifs d’infrastructures sont également inclus dans ce rachat, notamment une partie du réseau de pipelines d’éthylène de TotalEnergies en France et les sections sud du réseau, allant de Lavéra au site de TotalEnergies, à Feyzin (région de Lyon). Quant aux sections centrale et nord, qui permettent de relier les sites de Lavéra et de Feyzin aux deux sites d’Ineos de Tavaux et de Sarralbe, ainsi qu’au site de Carling de TotalEnergies, et de SK, à Balan, elles sont désormais détenues à 50/50 par les deux industriels.
Sur le site de Lavéra, les productions sont donc diverses : éthylène, propylène, butadiène, polyéthylène, polyisobutène et polypropylène, en passant par des oxydes d’éthylène et dérivés. Et elles sont intégrées en amont avec la raffinerie Petroineos que le Britannique opère en joint-venture avec le chinois Petrochina, depuis 2011. Une installation capable de traiter 210 000 barils de brut par jour. Ineos n’opère donc pas totalement en solo sur la plateforme. Outre la présence de Petroineos, l’industriel français KemOne, qui produit notamment du chlore et de la soude par électrolyse, est également présent sur le site.
À n’en point douter, la reprise des actifs de TotalEnergies sera saluée par tous les acteurs de la chimie aval. Quelle satisfaction que de constater que la vocation de Lavéra se trouve pérennisée, offrant une sécurité d’approvisionnement de proximité sur le long terme en produits de chimie de base ! « Il est vrai que la pétrochimie en Europe n’est pas totalement compétitive par rapport à celle du Moyen-Orient et des États-Unis », consent Xavier Cros, CEO d’Ineos Olefins & Polymers South. Mais il ajoute : « Malgré les défis à relever, nous croyons dans l’industrie européenne. Nous avons en ce moment un très gros investissement à Anvers, pour la construction du premier craqueur depuis plus de vingt ans ».
Cette montée en puissance d’Ineos à Lavéra ouvre la voie à de futurs investissements pour participer à la décarbonation de la plateforme, conformément à la feuille de route du groupe qui veut atteindre la neutralité carbone en 2050, avec un palier à -33 % en 2030, par rapport à 2019. Hugues Goujon, Commercial Manager Olefins & Polymers South, le confirme : « à Lavéra, nous allons pouvoir accélérer en matière de développement durable, avec un agenda complet en matière d’incorporation de matières premières recyclées et biosourcées ». Lavera dispose déjà de certifications ISCC plus pour quelques ateliers, et prévoit d’étendre ce processus à d’autres, afin de pouvoir commercialiser des produits en version mass balance. En parallèle, plusieurs projets industriels pourraient voir le jour, profitant des quelques réserves foncières dont le site dispose encore. Sans les dévoiler, Hugues Goujon cite en exemple des programmes déjà bien avancés en Europe du Nord, en Allemagne, en Norvège et au Royaume-Uni où Ineos opère trois autres vapocraqueurs, à la fois dans l’hydrogène vert, l’utilisation d’électricité renouvelable, le captage de carbone… À moins que Lavéra ne s’inspire d’un projet autour de la pyrolyse de déchets plastiques avec Plastic Energy pour compléter l’approvisionnement de son vapocraqueur de Cologne ?
En tout état de cause, « il s'agit d'une avancée majeure pour les activités d'Ineos en France et dans le sud de l'Europe. Nous allons désormais intégrer pleinement ces actifs et renforcer la compétitivité de notre offre », conclut Xavier Cros pleinement mobilisé pour assurer un avenir durable à la plateforme.