Derrière le glamour, les investissements massifs de L’Oréal dans ses usines françaises

L'Oréal a investi plus de 500 millions d’euros en cinq ans dans ses usines françaises. Elles assurent 25% de la production mondiale du géant des cosmétiques. 

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Derrière le glamour, les investissements massifs de L’Oréal dans ses usines françaises
L'usine de L'Oréal à Caudry concentre la fabrication de tous les fonds de teint et soins de la peau de la division L'Oréal Luxe.

Même lors de ses présentations financières, L'Oréal illustre ses activités avec de joli(e)s modèles et des photographies léchées de produits. Jamais avec ses usines. Le groupe préfère vanter son glamour que sa capacité industrielle, laquelle est pourtant l'une des clés de sa puissance. Un réseau industriel dont le navire amiral n'est autre que la France. Sur 38 usines dans le monde, 11 sont implantées sur le territoire, regroupant 3000 des 15000 salariés de l'Hexagone, et sont solidement soutenues. Au cours des cinq dernières années, L'Oréal a investi 500 millions d'euros dans sa stratégique base industrielle française, qui concentre 25% des volumes de sa production mondiale, dont 80% destinés à l'export.

A elle seule, l'usine de Caudry (Nord), est un emblème. Comptant parmi les plus grands sites du groupe, ce mastodonte n'a pas d'équivalent parmi les implantations mondiales de L'Oréal. Sur 60000 m², 500 collaborateurs fabriquent tous les fonds de teint et soins de la peau de la division L'Oréal Luxe, dont 97% alimentent les marchés internationaux. «Les usines de nos autres divisions, comme la dermo-cosmétique et la coiffure professionnelle, sont souvent situées à proximité de nos marchés. Mais le luxe est une exception. Ce savoir-faire est très localisé et ce n'est produit qu'ici», commente Matthieu Delebarre, le directeur du site.

7000 nouveaux produits chaque année

Son usine ne s’arrête jamais, alimentée par 6000 composants pour fabriquer 2220 références, à une cadence d'un million de produits par jour estampillés de marques prestigieuses comme Lancôme, Yves Saint Laurent ou encore Helena Rubinstein. Construite en 1970, l’usine nordiste est un dédale, une vaste fourmilière où s’activent les salariés dans un environnement très automatisé. En amont, une trentaine de modules indépendants se chargent des formulations, avec des cuves allant de 25 kg, pour les petites gammes de fonds de teint, jusqu’à 10 tonnes pour des crèmes.

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La partie centrale abrite 36 lignes de conditionnement. Sur chacune, on croise des bras robotisés assurant le chargement des flacons, tubes et couvercles, acheminés par des convoyeurs jusqu’aux systèmes de remplissage, sur des parcours bardés de capteurs de contrôle qualité. De petits robots roulants assurent, ici et là, le transfert de lots d’une ligne à l’autre. Libérés des manipulations de charges, les opérateurs supervisent et gèrent les changements de production. Sur les lignes de fonds de teint, le changement d’une teinte s’opère en moins d’une minute grâce à un doublement des équipements, pour ne pas perdre le temps des opérations de lavage entre deux séries.

Avec 7000 nouveaux produits lancés chaque année, L’Oréal doit s’appuyer sur un outil industriel très performant. En France, les investissements sont destinés à «accompagner la croissance, pour les besoins en agilité, les capacités, le renouvellement de nos catalogues, nos lancements et nos intégrations», décrit Antoine Vanlaeys, le directeur général des opérations. Les intégrations concernent les acquisitions du groupe qui, à l’occasion, renforce son réseau industriel hexagonal. «Nous avons introduit en France la fabrication des produits de soin de la peau de Prada, notamment, qui a rejoint L’Oréal en 2019. Idem avec les parfums Ralph Lauren. 100% des parfums du groupe sont fabriqués en France», détaille Antoine Vanlaeys, qui évoque aussi l’internalisation en France «des volumes de la marque américaine CeraVe, autrefois en partie sous-traités chez des façonniers aux États-Unis».

Carte L'Oreal

Ces cinq dernières années, L’Oréal a mené de multiples projets industriels dans ses usines françaises. Celle d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a été entièrement reconfigurée en manufacture de parfums. À Saint-Quentin (Aisne), où sont fabriqués des produits d’hygiène, 70 millions d’euros ont permis d’accroître les capacités. À Rambouillet (Yvelines), des équipements ont été ajoutés pour de nouvelles formules de shampoing.

En parallèle, toutes les usines françaises ont bénéficié d’investissements liés au développement durable. Au total, ils ont pesé pour un quart des 500 millions d’euros consentis en France depuis 2019. Ces opérations s’inscrivent dans l’ambitieux plan climat dans lequel s’est engagé le groupe en 2013. Au niveau mondial, l’alimentation énergétique de ses 38 usines est à 91% d’origine renouvelable. Elle devrait l’être intégralement à partir de 2025. Le taux atteint 97% en France, même si d’autres pays, comme la Chine, sont déjà à 100%. Outre des contrats spécifiques de fourniture énergétique, L’Oréal investit parfois directement, avec des unités de biométhanisation (Saint-Quentin), de géothermie et de parcs photovoltaïques (Caudry).

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Réduire les émissions du scope 3

Grâce à ces efforts, couplés aux multiples programmes de sobriété énergétique, «depuis 2005, nos émissions de CO2 de scope 1 et 2 ont été réduites de 91% en valeur absolue, alors que nos volumes ont augmenté de 45%», se réjouit Antoine Vanlaeys. Lequel assure que les «usines ne représentent aujourd’hui que 0,25% de nos émissions», sur un total de 11 millions de tonnes de CO2 par an.

Celles du scope 3 sont encore problématiques. «C’est un sujet immense, qui nécessite de la sobriété avec moins de matières par produit, notamment dans l’emballage, et de la sobriété dans l’usage en basculant sur des emballages en matières recyclées et recyclables», décrit Benoît Mocquant, le directeur environnement. À Caudry, des lignes ont été modifiées pour la production de recharges, en plein essor, mais aussi pour remplacer le cellophanage par de petites étiquettes d’inviolabilité. L’Oréal collabore également avec ses fournisseurs, avec une certaine capacité d’influence. Antoine Vanlaeys évoque notamment «l’accompagnement des fournisseurs de flacons en verre, situés dans la vallée de la Bresle (Seine-Maritime), vers l’utilisation de fours électriques».

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Autre sujet d’envergure : l’eau. Le groupe s’est fixé, à l’horizon 2030, 100% de réutilisation et de recyclage de ses eaux industrielles, celles pour le lavage des équipements et pour les besoins en chaleur et refroidissement. En 2023, au niveau mondial, il n’était encore qu’à 14%. Pour atteindre cet objectif, il mise sur des usines dites «waterloop», avec des stations de traitement permettant de recycler et de réutiliser la totalité des eaux industrielles. «Cinq de nos 38 usines, en Espagne, Italie, Russie, Belgique et en Chine, sont désormais waterloop, et 17 avaient déployé le procédé à la fin 2022», précise Benoît Mocquant.

Sur ce sujet, les sites français sont en phase de montée en puissance. À Caudry, une station de traitement a été implantée en 2021 et atteint un peu plus de 50% de recyclage et de réutilisation. Les 100% sont en vue d’ici à quelques années. Dans l’Hexagone, L’Oréal n’a pas fini d’investir dans ses usines. #

Photos : Côme Sittler.

Novéal, filiale stratégique de l’amont

Dans l’Hexagone, L’Oréal dispose d’une intégration complète en sécurisant la partie amont : les ingrédients de ses produits. L’aventure a démarré dès 1938 avec Chimex, chargé de développer et produire les ingrédients nécessaires aux teintures capillaires. Rebaptisée Novéal en 2020, cette filiale est stratégique dans le dispositif industriel français, mais aussi mondial du groupe, avec un centre de R&D et un pilote industriel au Thillay (Val-d’Oise) et deux usines. La première, à Tours (Indre-et-Loire), se focalise sur les biotechnologies, avec des spécialités dans la culture de cellules végétales et la fermentation. Plus au sud, à Mourenx (Pyrénées-Atlantiques), une grande usine de chimie fine permet de produire des polymères, des filtres solaires ou encore des tensioactifs, et s’est transformée ces dernières années pour muter vers la chimie verte. Car Novéal est au cœur du programme de modification en profondeur du portefeuille d’ingrédients pour l’axer sur la durabilité. Selon le plan climat L’Oréal pour le futur, l’objectif est d’atteindre dès 2030 95 % d’«ingrédients biosourcés, dérivés de minéraux abondants ou issus de procédés circulaires». En 2023, le groupe affichait 65%, contre 61% l’année précédente. #

Couv 3729Vous lisez un article de L'Usine Nouvelle 3729 - Avril 2024
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