« Le sauvetage de Metex est vital pour l’avenir de la filière de la bioéconomie », Rudolph Hidalgo

Rudolph Hidalgo a rejoint Metabolic Explorer, en novembre dernier, au poste de directeur général adjoint. Travaillant directement avec Benjamin Gonzalez, président du conseil d’administration et directeur général, il est venu accompagner l’exécution du plan de transformation du groupe initié en 2021. Il revient dans nos colonnes sur la décision de recourir à une procédure de sauvegarde et des placements en redressement judiciaire pour les différentes entités du groupe, et s'exprime sur les enjeux.

 

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« Le sauvetage de Metex est vital pour l’avenir de la filière de la bioéconomie », Rudolph Hidalgo
Rudolph Hidalgo est directeur général adjoint du groupe Metex.

InfoChimie magazine : Le 12 mars dernier, Metabolic Explorer (Metex) a sollicité l’ouverture d’une procédure de sauvegarde pour les fonctions supports et R&D de Saint-Beauzire, ainsi qu’un placement en redressement judiciaire de ses filiales opérationnelles Metex Nøøvista – correspondant au site de Carling - et Metex Nøøvistago – correspondant au site d’Amiens. Pourquoi ce choix ?

Rudolph Hidalgo : Pour protéger les emplois et pour gagner du temps. Compte tenu des résultats difficiles de ces deux dernières années, nous nous sommes techniquement retrouvés dans un état de cessation de paiement, en raison de la dette contractée en 2022. Notre trésorerie nous permet cependant de poursuivre nos activités de production à temps partiel. Pour cela, nous allons bénéficier d’un délai de six mois au cours duquel nous serons placés sous une protection judiciaire pour empêcher que l’exigibilité de notre dette nous fasse basculer vers une liquidation judiciaire. Ce délai va nous permettre de préparer un plan de sauvegarde avec une administratrice judiciaire. L’idée étant de pouvoir restructurer notre dette et d’accueillir de nouveaux investisseurs ou de relancer l’entreprise avec ses actionnaires actuels.

Avez-vous prévu une restructuration de l’entreprise, accompagnée d’un plan social ?

R.H. : Je suis un spécialiste du redressement des entreprises et j’ai souvent participé à ce type d’opération. Mais Metex est un cas très particulier et il n’est pas question de tailler dans la masse salariale. Ce n’est pas le sujet. À Amiens, par exemple, nous avons des salariés qui sont actuellement à temps partiel car la production tourne au ralenti. Quand nous pourrons redémarrer, nous aurons besoin de tout le monde. Les problèmes que nous rencontrons sont 100 % exogènes et dus à deux vagues de problèmes, deux véritables « tsunamis » : d’une part, le conflit en Ukraine avec ses conséquences sur le prix de l’électricité et le prix du sucre. D’autre part, la concurrence chinoise, avec notamment une saturation du marché européen avec la lysine qui n’a pas pu être écoulée en Chine et qui a inondé l’Europe à des prix très bas déséquilibrant ainsi le marché.

Pouvez-vous revenir sur cette question du prix du sucre et sur ses conséquences exactes ?

R.H. : Nous achetons notre sucre trop cher par rapport à nos concurrents qui sont tous situés hors de l’UE, et le problème est particulièrement crucial pour la production de lysine. C’est un acide aminé que nous produisons par fermentation où le prix du sucre représente environ la moitié du prix de la lysine. Or nous achetons notre sucre 800 à 900 euros la tonne. Nous sommes actuellement entre 300 et 400 euros au-dessus du cours du sucre pour les producteurs chinois. Auparavant, le prix du sucre en France était en phase avec les cours mondiaux. Mais depuis 2021, on assiste à une décorrélation entre le cours mondial et le prix français. Nous, industriels, nous achetons du sucre quasiment au même prix que le consommateur, alors que le secteur de la transformation du sucre pour l’agroalimentaire, la boulangerie par exemple, bénéficie de tarifs compétitifs. Ce que nous demandons à l’État c’est d’être considéré comme un industriel de la transformation du sucre et de bénéficier d’une protection sur le prix du sucre pour qu’il soit proche du cours mondial. C’est ce qui était étudié et pour lequel une réponse nous avait été promise en novembre, en décembre, puis en janvier. Avec le changement de gouvernement et la crise des agriculteurs, nous n’avons pas eu de réponse précise.

Cependant, nous sommes maintenant en discussion très étroite avec l’État et les sucriers pour chercher ensemble des solutions. Cela n’est pas si simple car nous sommes contraints par des mécanismes complexes relevant d’une réglementation européenne et il ne s’agit pas de léser les producteurs de sucre non plus. Cette situation fait toutefois peser un risque létal sur Metex. C’est l’existence même de notre entreprise qui est en jeu. D’où la forte mobilisation de tout le monde : salariés, direction, État, acteurs politiques, syndicaux et sociaux…

Quelles chances avez-vous de trouver de nouveaux investisseurs, alors que la société a déjà été recapitalisée ?

R.H. : Nous avons bénéficié d’une réinjection de cash en 2022 qui devait assurer un avenir serein à l’entreprise. À l’époque, personne n’aurait pu imaginer qu’en 2023, il y aurait cette offensive de la lysine chinoise sur notre marché et que des industriels français allaient acheter ce produit, malgré les modifications de procédé que cela devait entraîner, compromettant sérieusement l’avenir de Metex. Pour bénéficier de nouveaux capitaux, nous avons approché des investisseurs industriels, et notamment un Français et un Asiatique. Les deux ont stipulé, comme condition préalable à leur investissement dans notre entreprise, que nous devions trouver une solution sur le sucre avec l’État français.

Pourquoi est-ce que votre filiale Metex Nøøvista est aussi en redressement judiciaire ?  Elle utilise, en effet, comme matière première du glycérol et non du sucre, pour sa production de propanediol et d’acide butyrique par fermentation ?

R.H. : En raison des problèmes rencontrés pour le groupe, Metex Nøøvista n’a pu être soutenue pour son ramp-up et le développement de son marché. Par ailleurs, la capacité de l’usine n’est que de 5 000 t/an, alors qu’il était prévu de construire une seconde tranche pour aller jusqu’à 15 000 à 20 000 t/an et de procéder à certaines améliorations. La conséquence est que Metex Nøøvista est en dessous de son seuil de rentabilité. L’usine est, par ailleurs, percutée par le recul de la chimie en Europe. Sur le PDO, la demande continue d’être soutenue pour les grades cosmétiques, mais pas pour le PDO technique. L’acide butyrique (AB) fait aussi l’objet d’une moindre demande. Metex Nøøvista est aujourd’hui en activité partielle et s’apprête à livrer ses commandes en cours. Nous aurions besoin de trois ou quatre ans pour arriver jusqu’au bout de ce projet. C’est pourquoi nous cherchons des investisseurs pour donner un avenir à cette technologie qui repose sur une innovation importante. Dans le cas contraire, la fermeture de cette usine est un des chemins possibles.

Au-delà de l’avenir de vos 450 salariés, pourquoi estimez-vous qu’il est si important de soutenir votre entreprise ?

R.H. : Depuis sa création, le site d’Amiens a mobilisé 500 millions d’euros d’investissements pour installer 5000 m3 de fermentation. Si on ferme cette usine, personne ne sera en mesure de relancer de la production d’acides aminés à cette échelle, en Europe. Et il n’y aura plus que de la lysine chinoise sur le marché, ce qui revient à une perte complète de souveraineté. Or rien ne dit que les fournisseurs chinois ne remonteront pas leurs prix par la suite. Metex est donc le vrai bouclier protecteur et de stabilisation des prix sur le marché de la lysine en France et en Europe. Il y a, par ailleurs, un aspect décarbonation qui entre en jeu, puisque nous produisons une lysine dont l’empreinte carbone est cinq fois plus faible que celle de la lysine chinoise, grâce notamment à l’utilisation de sucre de betterave local. C’est un bénéfice supplémentaire pour nos clients qui sont principalement des grandes coopératives agricoles situées dans l’Ouest de la France. Il faudrait d’ailleurs arriver à convaincre les principaux acteurs du marché d’acheter majoritairement français. De plus, la lysine produite par Metex à Amiens est un ingrédient essentiel, et donc difficile à remplacer pour la fabrication de médicaments de la vie de tous les jours, comme l’Aspégic. En conclusion, le sauvetage de Metex est vital pour la souveraineté sanitaire et alimentaire de notre pays, pour la préservation de notre tissu industriel et pour l’avenir de la filière de la bioéconomie en France, sachant que Metex figure parmi les pionniers, et qu’elle reste un modèle de réussite du passage d’une biotech innovante à un véritable acteur industriel.

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