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[Industry story - Le podcast] Avec la prise de la Bastille, la journée deviendra historique. Un entrepreneur malin comprend tous les bénéfices qu’il peut en tirer.

L’année qui s’achève aura été, une fois encore, riche en événements. L’exécution du roi, l’adoption d’une constitution, les révoltes vendéennes… Une période trouble entraînant une traque de tous ceux que l’on juge traîtres à la cause. Les arrestations et les procès expéditifs s’enchaînent, tout autant que les allers-retours verticaux de la lame oblique en place publique. En cette fin 1793, c’est au tour de Pierre-François Palloy de faire face à l’assemblée de juges. Et d’entendre sa sentence.

Si le soleil domine la capitale, le fond de l’air est bien frais en ce 14 juillet 1789. Pourtant, les esprits s’échauffent dans le quartier Saint-Antoine et une foule en colère se dirige droit vers la Bastille. Cela fait plusieurs jours que des incidents à répétition ont lieu. Mais aujourd’hui, la tension est bien plus forte : 80 000 Parisiens sont dans la rue, un millier a forcé les Invalides et s’est emparé de plus de 30 000 fusils. Reste à trouver les munitions. Il paraît que la Bastille en regorge !

Palloy observe autant la prison que les Parisiens qui défilent. En bon patriote, il soutient la cause.

Rue des Fossés-Saint-Bernard, Pierre-François Palloy dirige son entreprise d’une main de maître et en tire de larges profits. Le maître maçon et entrepreneur de travaux publics de 34 ans est malin. Il observe autant la prison que les Parisiens qui défilent. En bon patriote, il soutient la cause. En bon commerçant, il devine rapidement tout le potentiel financier de ce qui est en train de se jouer. Dès le début d’après-midi, il sent que la forteresse royale va tomber aux mains des révolutionnaires. Huit tours de 24 mètres de hauteur, reliées par un mur d’enceinte épais de trois mètres, dominent un édifice long de 66 mètres et large de moitié. Soit des milliers et des milliers de pierres qui vont faire sa richesse.

Bénévoles, bourgeois, intellectuels sur le chantier de démolition

Il faut faire vite. Passé 15 heures, Palloy ordonne à ses commis de rassembler au plus vite tout ce qu’ils trouveront d’ouvriers et de contremaîtres. Avant de se rendre lui-même à la prison. Sans autorisation aucune, mais chargé de suffisamment de bagout et d’hommes, il profite de la cohue pour s’imposer comme le coordinateur de ce nouveau chantier. Si la prison doit être détruite, autant le faire de manière ordonnée et professionnelle. Le lendemain à l’aube, près de 800 hommes travaillent sous ses ordres. Le 16 juillet, un comité improvisé se réunit et lui accorde le droit de démonter pierre par pierre la Bastille. La voie est officiellement libre. Le plus grand chantier de la capitale attire les curieux. Les ouvriers sont bientôt rejoints, pour une heure, pour un mois, par des bénévoles, des bourgeois, des intellectuels comme Beaumarchais et Mirabeau.

Démolition de la BastilleLes pierres seront utilisées pour bâtir le pont de la Concorde... ou converties en miniatures sculptées de la Bastille. © Musée Carnavalet

Dans la prison, tout est bon. Palloy revend bientôt les pierres à différents entrepreneurs.

Dans la prison, tout est bon. Palloy revend bientôt les pierres à différents entrepreneurs. Nombreuses sont celles qui servent à bâtir le pont de la Concorde qui s’érige face au palais Bourbon. Et Palloy multiplie les bonnes idées. Il fait aussi fabriquer des dizaines de Bastille miniatures très fidèles à leur aînée, longues d’un mètre, qu’il fait parvenir aux nouveaux départements et élus parisiens. Et sait se diversifier. Il ouvre un petit commerce pour fabriquer des médailles patriotiques réalisées grâce aux chaînes des détenus. Dominos, jeux de cartes, tabatières, bonbonnières, boutons sont vendus à tour de bras à partir des matériaux récupérés. Palloy devient riche.

À tel point qu’une enquête est ouverte quant à savoir si la démolition a été bien menée. Il faut dire que les travaux, qui ont duré un peu plus d’un an, ont été rétribués sur une période de trente mois. Une fortune dont l’entrepreneur aurait tiré trop de profits personnels. Les jurés délibèrent rapidement et annoncent leur verdict. En toute logique, pour Palloy ce sera… la prison !

Couv 3729Vous lisez un article de L'Usine Nouvelle 3729 - Avril 2024
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