Hydrogène vert : Lhyfe va construire un site à Gonfreville-l’Orcher pour fournir Yara France
Lhyfe prévoit d’installer un électrolyseur de 100 MW, à Gonfreville-l’Orcher, à côté du site de fabrication d’engrais de Yara. Plus de la moitié de l’hydrogène vert et renouvelable qui en résultera sera fourni à l’agrochimiste norvégien, pour lui permettre de décarboner de 10 % sa production d’ammoniac.
Fournir de l’hydrogène décarboné comme matière première aux industriels de la chimie pour décarboner leur production. C’est l’un des objectifs de la société nantaise Lhyfe, l’une des pionnières de la production d’hydrogène vert et renouvelable à l’échelle industrielle, en France. C’est en ce sens qu’elle vient d’annoncer un projet visant à construire une usine d’hydrogène vert à Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime), à côté du site français de production d’engrais azotés du norvégien Yara, près du Havre.
Ce futur site, qui s’étendra sur 2,8 hectares, devrait voir le jour dès 2028. Au programme : un électrolyseur de 100 MW, capable de produire 34 tonnes d’hydrogène par jour. « 20 t/j seront dédiées à Yara, dans le cadre d’un accord en cours d’élaboration. Les 14 t/j restantes seront destinées à d’autres acteurs de la zone, tous secteurs confondus (industrie, mobilité, etc.) », nous apprend Matthieu Guesné, p-dg de Lhyfe.
Du côté de Yara, il s’agit ici de mettre en œuvre l’un des piliers de sa feuille de route de décarbonation : celui d’utiliser de l’hydrogène vert comme matière première des engrais azotés, en remplacement (partiel) de l’hydrogène fossile (issu du reformage du gaz naturel) qu’il consomme actuellement pour produire son ammoniac. Et les quantités que prévoit de fournir Lhyfe représenteront 10 % des besoins de son site du Havre.
Le gouvernement français a confirmé un soutien financier qui pourrait atteindre 149 M€, après que le projet a été validé par la Commission européenne dans le cadre de la 3e vague des PIIEC (projets importants d'intérêt européen commun) sur l’hydrogène. En outre, la future unité d’hydrogène vert participera à la transformation en ZIBaC (zone industrielle bas-carbone) de la région Basse-Seine qui comprend les trois zones industrialo-portuaires du Havre, de Rouen et de Port-Jérôme.
Plusieurs projets dédiés à l’industrie chimique
Si Lhyfe cible l’industrie chimique comme l’un des pans de l’industrie à décarboner, c’est parce qu’elle représente environ un tiers des émissions de CO2 de l’industrie, les deux autres tiers correspondant au secteur du ciment et à la sidérurgie. « Dans la chimie, l’hydrogène vert peut être utilisé comme matière première, en remplacement du gris, avec un potentiel de réduction des émissions industrielles de deux tiers. Ceci avec trois grands secteurs visés par Lhyfe : la production d’ammoniac qui sert à produire des acides aminés, de l’urée, des résines, des colles, des engrais, la fabrication de méthanol, utilisé dans les encres, les explosifs, la peinture, les solvants, ainsi que la chimie à haute valeur ajoutée », détaille le p-dg.
En 2023, deux grands projets visant, entre autres, à fournir des industriels de la chimie ont été annoncés en France. D’une part, l’implantation, dès 2028, d’une unité de production industrielle de 85 tonnes d’hydrogène (électrolyseur de 210 MW) par jour, sur le site de Montoir-de-Bretagne, au sein du port de Nantes Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). D’autre part, Lhyfe (avec le producteur d’énergie solaire TSE) a racheté les deux anciens sites des Fonderies du Poitou, situés à Oyré (Vienne) et Ingrandes (Indre), et prévoit d’y implanter – après démantèlement et dépollution – une capacité d’électrolyse de 100 MW.
Dans la même veine, mais au niveau européen, Lhyfe a annoncé, en octobre 2022, construire une usine de 55 t d’hydrogène (électrolyseur de 200 MW) par jour, à Delfzijl (province de Groningue, Pays-Bas), à proximité d’un important cluster industriel chimique.
Engrais : Yara engagé dans sa décarbonation
En France, les équipes du site du Havre de Yara élaborent, depuis plus de cinq ans, une feuille de route de décarbonation aux niveaux local et global. Un travail qui a notamment contribué à la signature d’un contrat de transition écologique avec le ministère de l’Industrie, en novembre 2023. Il a ainsi été fixé de réduire de 37 % les émissions de CO2 du site havrais, d’ici à 2030, par rapport à 2018.
Parmi les trois piliers majeurs de la feuille de route de l’agrochimiste norvégien, on retrouve d’abord des projets visant à renforcer l’efficacité énergétique, dont la mise en route est prévue en mai 2024. Ensuite, l’agrochimiste table sur de l’hydrogène vert fourni par Lhyfe pour décarboner 10 % de sa production d’ammoniac du Havre, en substitution à l’hydrogène fossile. Ce qui permettra de réduire de 60 000 tonnes par an les émissions de CO2 du site. Il s’agit aussi de « la première brique vers l’électrification du site », annonce le groupe. Dans la même veine, Yara prévoit d'installer un électrolyseur pilote de 24 MW sur son site norvégien de Porsgrunn.
Enfin, le groupe compte sur la capture et le stockage du CO2 (CCS). Il étudie, dans le cadre du consortium rassemblant les principaux émetteurs de CO2 de la vallée de la Seine, la viabilité économique de capter 200 000 t de CO2 par an, sur son site du Havre. Pour ensuite les liquéfier, les transporter et les séquestrer dans un puits en mer du Nord.
Au global, Yara a pour objectif de réduire de 30 % ses émissions de CO2 d’ici à 2030, par rapport à 2018, et d’atteindre la neutralité carbone en 2050.