«Courant 2025, nous serons en mesure de produire du paracétamol GMP», Jean Boher, président d'Ipsophene
Alors que certains acteurs doutent de la capacité d’Ipsophene à industrialiser un procédé complet de production en continu de paracétamol, en des temps record, Jean Boher, président de l’entreprise commence à s’expliquer. Il faudra toutefois attendre quelques semaines avant d’avoir la confirmation du lieu d’accueil de l’unité de production à Toulouse, ainsi que le nom de quelques entreprises partenaires qui travaillent activement sur le projet, dans la France entière.
Industrie Pharma : Vous êtes le président d’Ipsophene, la jeune société qui se propose de lancer une production de paracétamol à Toulouse, dès 2025. Jusqu’ici, vous avez été très discret sur le projet, au point que des professionnels ont fini par douter de votre capacité à délivrer une production GMP dans les temps. Qu’est-ce que vous leur répondez ?
Jean Boher : Nous proposons quelque chose qui n’a jamais été fait. En chimie fine, la tradition est d’utiliser des procédés batch. Nous nous lançons dans un procédé continu complet. C’est un projet sérieux que nous avons démarré, il y a quatre ans. Des dizaines de personnes travaillent dessus.
On est en train de créer une filière avec un ensemble d’entreprises. Courant 2025, nous serons en mesure de produire du paracétamol GMP et la molécule pourra être commercialisée quand on aura reçu un certificat CEP délivré par l’EDQM, soit en fin d’année 2025. Nous avons déjà engagé des discussions avec les autorités. Ce processus demandera du temps avant d’arriver à la phase de certification.
Où sera installée l’unité de production exactement ?
J.B. : Elle sera installée dans l’environnement de l’Oncopole et le lieu précis sera révélé prochainement. Des travaux sont déjà en cours sur le bâtiment concerné. Nous avons le soutien de la région Occitanie qui a fait son travail d’audit pour savoir d’où nous venons et pour connaître notre écosystème. Nous travaillons également avec France Chimie en région pour nous aider à constituer notre équipe de production de 35 à 40 personnes. Notre directeur d’usine est Maxime Lefèbvre qui a plus de vingt ans d’expérience dans la chimie fine et travaillait auparavant chez Servier.
Chiffres clés
3000 à 34000 t/an : capacité de production visée
9000 t/an : taille du marché français
35 à 40 créations d’emplois
2025 : début de la production GMP
> 25 M€ : montant de l’investissement
4,2 M€ : aide de la région Occitanie
Qui a imaginé ce procédé où toutes les étapes sont en continu ?
J.B. : Le procédé a été imaginé par Edith Lecomte-Norrant qui est une experte en matière de procédés en continu, pour en avoir installé plusieurs au cours de ces vingt dernières années. Elle dirige la société Ipsomedic à Aubagne. Le procédé de fabrication à partir de phénol, utilise une technologie innovante en continu. C’est aussi un procédé écoresponsable qui génèrera peu de déchets grâce à de nouvelles technologies de boucles de recyclage. Certaines étapes de fabrication ne sont pas totalement nouvelles, puisqu’elles ont déjà été mise en œuvre par Edith Lecomte-Norrant sur d’autres sites industriels. La conception et la fabrication sont actuellement réalisées par des sous-traitants français et par des experts de la société Ipsomedic. Nous sommes notamment accompagnés depuis deux ans par la société d’ingénierie lyonnaise 3D Process qui fait partie de notre écosystème.
Existe-t-il quelque part en France un pilote complet du procédé pour sa validation, et savez-vous à quel prix vous « sortirez » le produit ?
J.B. : Chaque partie du process a fait l’objet d’un pilote spécifique, ce qui nous a permis de réaliser des essais (étapes unitaires) chez nos sous-traitants de matériels. Nous avons, en outre, fabriqué un pilote complet qui est en cours d’installation sur un de nos sites. Son démarrage est prévu assez rapidement. Selon le marché qui reste très volatil, nous serons un peu plus chers que la molécule du paracétamol produit en Chine. L’écart avec les États-Unis sera un peu moins important. Nous avons participé au salon CPhI, l’an dernier, et nous avons vu de nombreux laboratoires européens. Ils nous ont confirmé par des contrats cadres l’intérêt, et surtout la possibilité d’acheter un produit issu d’une fabrication écoresponsable. Par ailleurs, nos clients souhaitent sécuriser leur sourcing par une production locale.
Où est-ce que vous vous approvisionnerez en phénol ?
J.B. : Il y a plusieurs fournisseurs en Europe, tels qu’Ineos ou Novacap, par exemple. Ces fournisseurs sont installés en France, Espagne, en Suisse, en Allemagne, en Belgique… On les a déjà contactés et certains sont intéressés pour nous fournir en phénol.
Vous serez donc bientôt deux producteurs français à produire prochainement du paracétamol sur notre territoire…
J.B. : On cherche souvent à opposer Ipsophene et Seqens, alors que l’on pourrait être fiers que les deux projets européens de relocalisation du paracétamol vont se concrétiser sur le sol français.